Ils ont tenu a repondre ensemble a les questions. Apres avoir rassemble une equipe internationale, Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye ont pilote le Coran des historiens, entreprise editoriale qui possi?de dure cinq annees. Notre premier reste directeur d’etudes a l’Ecole commode des hautes etudes a Paris, le second, professeur d’islamologie a l’Universite libre de Bruxelles. Dans un petit travail des editions du Cerf, maison editrice de votre somme, ils expliquent ce qui a guide leur demarche.
Mes etudes historiques sur le Coran existent depuis le XIXe siecle. En quoi le Coran des historiens est-il une premiere ?
Rassembler les aptitudes scientifiques sur le propos coranique reste une action complexe. J’ai matiere est extremement riche mais aussi fort technique. Notre defi est de bouger le resultat des recherches actuelles sur le Coran des cercles de savants. Nous souhaitons les rendre accessibles a un public plus large. Ce n’est jamais simple. Depuis trente annees, notre connaissance du contexte dans lequel le texte coranique a emerge, c’est-a-dire l’Antiquite tardive, a beaucoup progresse. L’objectif actuel de la recherche n’est plus d’aborder le Coran uniquement a partir des sources musulmanes traditionnelles qui datent tout d’un siecle et demi apres la mort de Mahomet, mais de l’envisager au contexte du VII e siecle, en prenant en compte des sources non-musulmanes de l’epoque.
Pourquoi le Coran est-il votre post si difficile dacces ?
Le propos coranique ne contient aucun cadre narratif. Cela evoque aussi tres peu les evenements qui lui paraissent contemporains. Sa structure et le ordre n’apparaissent jamais a premiere vue. Notre Coran a souvent un caractere allusif et certains passages sont obscurs, comme nos sourates 108 ou 111. C’est Afin de cette raison qu’on lui fera frequemment penser ce que celui-ci ne dit pas. Mes sources islamiques traditionnelles, comme nos anecdotes coraniques ou nos recueils de hadiths [les paroles attribuees a Mahomet, ndlr], donnent une foule de details. Le probleme, c’est qu’elles ne s’accordent gui?re entre elles.
Que va savoir 1 lecteur non professionnel dans votre ouvrage ?
Et cela va etre en general le plus frappant pour un public non professionnel, votre sera d’apprendre que le Coran ne constitue pas une rupture avec les documents monotheistes anterieurs, juifs et chretiens. Pour saisir l’article coranique, Cela reste necessaire de passer par la lecture des ecrits chretiens et juifs anciens ou une meme epoque, meconnus eux-memes du public, entre autres la litterature midrashique [les commentaires bibliques des rabbins] ou la Didascalie des apotres, 1 texte du III e siecle du christianisme syriaque. J’ai rupture aura lieu ulterieurement, au VIII e siecle, a J’ai naissance de l’empire arabe. Et ia en particulier Afin de des raisons politiques et historiques.
Redoutez-vous nos polemiques que le Coran des historiens pourrait susciter ?
Cela y aura surement du rejet mais nous navons gui?re dinquietude particuliere. Ce genre de recherches provoque, cest vrai, des debats. Et cest tres salutaire.
Que repondez-vous a ceux qui vous accuseront de vouloir detruire la foi des musulmans ?
Notre demarche ne consiste pas en une polemique contre l’islam, et n’est pas une entreprise de destruction une foi. Nous sommes tres respectueux du Coran et chaque page de notre ouvrage le demontre. C’est une etude aussi objective que possible tout d’un texte du VII e siecle. En tant que scientifiques, notre role est de poser des questions.
Du opinion de lhistorien, tout texte reste un produit de lactivite humaine. Il nest nullement sacre en lui-meme. Les exigences de notre approche historique seront analogues que celles qui seraient appliquees a nimporte quel post de nimporte quelle religion. Notre Coran est etudie comme les documents bibliques ou ceux du Nouveau Testament. Cette approche nous va permettre de reveler toute la richesse du Coran, principalement en ce qui concerne la connaissance quon y trouve des traditions religieuses de lAntiquite tardive ou ladoption et ladaptation des mots non arabes.
Parmi les polemiques recurrentes i propos de lislam figure cette notion que la violence pourrait etre inherente a la religion musulmane. Un travail tel le votre peut-il depassionner le debat ?
Ce type de question se pose sous le poids de lactualite. Comme beaucoup dautres documents religieux, le Coran comporte, naturellement, d’la violence. Mais les parties violentes de lAncien Testament ne sont jamais moins developpees. Notre demarche est dhistoriciser ces informations conjoncturelles. Un post appartient a le epoque et a la place dans lequel il a emerge. Vouloir trouver, pourquoi pas, du feminisme ou de lantifeminisme au Coran ou lAncien Testament est 1 anachronisme. La ti?che de contextualisation, nous le repetons, est fondamental. Ce qui est critiquable, cest daccepter le Coran tel 1 bien dogmatique absolu, valable en tout moment et en tout lieu. Le point crucial a votre propos nest nullement le propos lui-meme mais la maniere dont c’est lu.
La publication de cet ouvrage reste, dites-vous, une entreprise civique. Pourquoi ?
Parmi les difficultes rencontrees dans Divers milieux musulmans, on voit l’absence d’une vision distanciee des trucs de la foi et la dimension absolue accordee a bien cela touche la religion. L’histoire occidentale a, elle, abouti a une prise de distance critique ; ia n’existe pas encore en islam. En tant qu’historiens, nous essayons d’introduire – nous ne sommes nullement les premiers a le faire – la dimension historico-critique d’une maniere tres documentee. Notre demarche nous parait important afin d’apaiser nos sentiments exacerbes tant du cote des croyants ayant un propos apologetique [de defense en religion] que celui de leurs adversaires qui tiennent, eux, des propos polemiques.
Les incomprehensions existent de part et dautre. Ces lectures operent sans methode et sans approfondissement. Elles prennent ce quelles souhaitent dans le propos et ninterrogent nullement sa complexite, parfois meme son ambiguite bumble tarif et le obscurite. Ce que nous proposons est une respiration intellectuelle, une prise de distance, une comprehension du propos fondee via une vision scientifique qui possi?de deja fera ses preuves, lexperimentation dune reflexion froide i propos des difficultes du Coran. Cest une lecture lente et depassionnee. J’ai prise de distance permet deviter ce que lon veut faire penser au Coran ou votre quon souhaite lui Realiser Realiser, tant du cote apologetique que polemique ou l’article sert le moins rarement de pretexte.